Après la Lettre d’orientation budgétaire-LOB (votée en juin) et avant le budget initial ou prévisionnel 2022 (qui sera voté en décembre), entretien avec Frédérique Berrod, nouvelle vice-présidente Finances, qui pose les enjeux, analyse le contexte et explique ses objectifs pour les finances de l’université.
Quel est le contexte de votre prise de poste ? Quelle analyse faites-vous de la situation financière de l’université ?
Il est clair que l’université est à un tournant structurel de son organisation financière. Ses ressources aujourd’hui ne proviennent plus exclusivement d’une dotation de l’État et des frais d’inscription payés par les étudiants. Les ressources issues des différents programmes d’appels à projets (comme l’IdEx) sont de plus en plus importantes et leur part continuera probablement à progresser. Il y a aussi d’autres ressources qui sont allouées mais qui sont « fléchées » sur certains projets comme par exemple le financement nécessaire de la réforme des études de santé. Ces nouvelles opportunités et contraintes nous invitent à changer la manière dont on pense le budget pour dégager des marges de manœuvre. Si on ne le fait pas, on perdra toute forme de flexibilité, toute capacité aussi à s’adapter aux situations imprévues.
Concernant la situation financière, il y a des points d’attention connus qu’il faut anticiper et gérer : par exemple le Glissement vieillesse-technicité, qui n’est aujourd’hui plus compensé par l’État, la charge de l’amortissement des investissements réalisés sur fonds propres, l’entretien des bâtiments qui vieillissent, la prise en compte de frais liés à de nouveaux bâtiments ultra-techniques comme le data center, etc. A l’heure actuelle, les dotations d’Etat et les ressources qui abondent le budget central sont insuffisantes pour financer toute notre activité et nous constatons un ajustement négatif d'un million d’euros pour l’allocation des moyens. La construction du budget initial, en cours de finalisation, devrait nous permettre d’atteindre l’équilibre cette année, avec toutes les ressources des composantes et des unités de recherche.
Quels sont vos objectifs stratégiques ?
Ils sont à la fois dans la lignée de ceux portés par mon prédécesseur et inspirés de Cap 2030. Je souhaite par exemple introduire davantage de pluri-annualité, ce qui n’est pas simple car l’exercice budgétaire est annuel. Concernant les postes, la campagne d’emploi de cette année sera modérée, avec une priorité donnée au recrutement des Biatss. Je travaille avec Elisabeth Demont pour proposer des arbitrages aux élu.e.s. Pour se donner une visibilité à moyen-long terme, aucune piste n’est négligée, comme la mutualisation des compétences et une réflexion d’ensemble sur l’attractivité de nos métiers. L’équipe politique veut donner enfin toute leur place aux deux nouvelles vice-présidences Développement durable/Responsabilité sociétale (DD&RS) et Égalité-Parité et il faut pour cela leur donner les moyens de leur mission.
L’une de vos premières propositions a été de baisser les budgets de fonctionnement des composantes et services centraux de 10 %. Au risque de créer des crispations ?
Faire des économies n’est pas agréable et il est normal que cette proposition interroge et même divise. Cette mesure vise néanmoins à rendre des marges de manœuvre dans le budget de l’université et elle s’appuie sur un constat : trop de dotations ne sont pas consommées, et cela depuis des années, même si la situation a été accentuée par la crise sanitaire.
Je pense sincèrement qu’on peut faire mieux, même avec moins : prioriser, reconnaître aussi qu’il y a des projets qu’on ne fera pas. Je veux promouvoir pour toutes et tous la « bonne dépense », celle dont on a vraiment besoin. Et aussi trouver les moyens de la solidarité financière entre les entités.
J’estime aussi qu’on n’a pas fini de tirer des leçons de la crise de la Covid-19, qui nous invite à revoir certains de nos modes de fonctionnement.
La compréhension du budget est souvent difficile. Est-ce un frein à son appropriation ?
C’est certain ! J’ai aussi l’objectif de faire progresser cette appropriation dans la communauté : que chacun sache ce que l’université investit et dans quoi. Pour cela, je porte une démarche très pédagogique : par exemple, j’ai fait le tour de toutes les instances et des réunions institutionnelles pour présenter la LOB et je ferai de même avec le projet de budget. Je souhaite aussi co-construire la Lettre d’orientation budgétaire avec l’ensemble des élu.e.s. Cette appropriation passera aussi par des phases de communication et d’explications. Le budget ne doit pas rester un mystère : c’est un outil fondamental de notre université.
Propos recueillis par Elsa Collobert et Caroline Laplane